RETOUR PRESSE - PETIT TRAITÉ DE BÉNÉVOLENCE
JEAN-MARC LAURENT - La Montagne - Avril 2019
Essai
Patrick Tudoret réhabilite l'amour-action
et la bénévolence dans un livre
Pour en finir avec les bons sentiments et la bienveillance mais surtout pas avec l’amour Patrick Tudoret réhabilite une notion oubliée: la bénévolence. «Aimer, c’est agir» dit-il avec Victor Hugo dans son Petit traité de la bénévolence (éditions Tallandier).
Qu’est-ce que la bénévolence ? Une des plus belles formes de l’amour, l’amor benevolentiae des Anciens. C’est comme le dit Descartes, cet élan vers l’autre qui va jusqu’à vouloir sa réalisation, son propre accomplissement. Un être qui en fait résonner un autre dans sa pleine harmonie.
Une disposition désuète, comme le mot qui la définit ? En, fait, je la vois à l’œuvre chaque jour et le temps ne compte pour rien. En fait, le mot bienveillance est la traduction exacte de bénévolence : volonté de faire le bien, élan vers l’autre, mais une lente perversion du langage l’a spolié de son sens, c’est pourquoi je voulais exhumer la bénévolence, expression de l’amour dans l’action, dans la volonté. Peu avant sa mort, Victor Hugo a écrit ce mot magnifique : « Aimer, c’est agir », c’est, à mon sens, une des plus belles définitions de la bénévolence.
Quelle proximité entre le bénévolat et la bénévolence ? Ils sont frères dans le principe, parfois distincts dans les faits. Tout bénévolat devrait n’être que bénévolence, c’est-à-dire élan sans calcul, affranchi de tout intérêt. Or, pour avoir œuvré dans pas mal d’associations, j’ai vu qu’il pouvait être exemplaire, mais que trop souvent, il était motivé par des attentes ne devant rien à la gratuité : rémunération de l’ego, rétributions symboliques diverses… La bénévolence est sans calcul mais peut aussi se déployer dans le cadre d’activités rémunérées, salariés ou autre (enseignement, création artistique etc.) Cela dit, le bénévolat est précieux et beau. J’en respecte le principe, ayant moi-même, et bien humblement, œuvré dans ce cadre.
Aujourd'hui, ce qu'il y a de plus subversif,
c'est l'amour et le pardon!
Patrick Tudoret
Manquons-nous collectivement et individuellement de bénévolence ? Beaucoup d’êtres, croyants ou incroyants, font le bien ou du bien dans ce monde, mais il est vrai que dans notre Occident matérialiste, individualiste, dont le trop-plein de vide est patent, l’idée de contrat social, de bien commun, a du plomb dans l’aile.
Nos démocraties en crise souffrent-elles d’un déficit de bénévolence ? Oui, le contrat social qui fonde la démocratie suppose un refoulement de la violence qui est en nous, comme diraient les psys, ou simplement, le renoncement à une part de notre liberté pour privilégier celle de la collectivité tout entière.
Du déficit de bénévolence à la « bénéviolence »… Le constat sans concession que je fais au début du livre sur ce monde hypernarcissique, marchandisé et soumis au divertissement-roi, me fait penser qu’il faut mourir à certaines choses – comme à la violence qui n’est qu’un langage de substitution quand les mots ont failli – pour mieux renaître à d’autres. Mon dernier chapitre s’intitule « La puissance de l’aube » et, même si je ne suis pas naïf et me méfie de tout angélisme, je crois encore dans cette aube.
Ne faut-il pas a priori se méfier de l’expression de la bénévolence au même titre que des bons sentiments voire de la bienveillance ? Bien sûr, la bienveillance est devenue une coquille vide et ne remplit, malheureusement, plus son office, en tout cas comme force d’amour. La bénévolence, elle, n’a rien à voir avec les « bons sentiments ». C’est un peu pour en finir avec les « bons sentiments », mais pas avec l’amour.
Si un personnage devait symboliser la bénévolence, qui serait-il ? Difficile de n’en choisir qu’un. La facilité me ferait dire le Christ, tant il a déployé toutes les formes d’amour, comme les saints à sa suite. Alors, je dirais Louis Pasteur.
Votre réflexion sur la bénévolence rejoint-elle celle sur la foi chrétienne ? Oui, forcément et je ne le nie pas. Mais à cette nuance importante près que la bénévolence est aussi bien le fait de croyants que d’incroyants qui peuvent avoir foi en l’Homme.
Quelle est votre action de bénévolence la plus récente ? Ne souhaitant pas évoquer de choses trop personnelles, je dirais : associer d’autres auteurs aux rencontres que suscite ce livre.
Après la bénévolence ? Je mets la dernière main à un nouveau roman qui traite de… l’amour passion… Et je viens de finir une nouvelle pièce de théâtre.
Jean-Marc Laurent