RETOUR PRESSE - PETIT TRAITÉ DE BÉNÉVOLENCE

 

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PAUL SUGY - Le Figaro Vox - Avril 2019

 

 

Avec son «Petit traité de bénévolence», l’écrivain Patrick Tudoret puise dans la littérature et la pensée quelques recettes toutes simples pour pallier l’effondrement moral de notre civilisation.

 Notre Dame de Paris

 

Notre-Dame de Paris ravagée par les flammes. Patrick Tudoret ne pouvait imaginer, à l’heure où il écrivait ce très beau livre, que la déconstruction morale et spirituelle à laquelle il souhaitait porter remède prendrait une forme symbolique aussi bouleversante. Après tout, la littérature n’est-elle pas l’art de lire les signes?

À l’heure où le mot «reconstruction» est sur toutes les lèvres, l’écrivain et docteur en science politique n’appelle pas à autre chose dans son Petit traité de bénévolence*: «L’amour, l’art, le sacré sont une arme de reconstruction massive là où tant de choses concourent, avec la complicité active ou passive des Hommes, à la destruction du monde.»

À l’origine de ce livre, savoureux écart de conduite dans une œuvre essentiellement littéraire, l’écrivain a fait l’expérience du néant, «ce trop-plein de vide qui signe si bien notre temps». Les mots mêmes ont perdu leur valeur: la «bienveillance» a été galvaudée par la lente érosion du sens au risque de l’usage courant de la langue. Quant à la «tolérance»… Mais on n’en peut plus, de la tolérance! On en badigeonne sans parcimonie chacune de nos leçons de morale assénées à une époque qui, par trop relativiste, a oublié la notion même de morale. Alors quoi?

L’action humaine peine à trouver son sens, la liberté est en crise. Il faut réapprendre à vouloir et réapprendre à aimer. C’est précisément ce qu’enseigne la «bénévolence», qui tout au contraire des bons sentiments que prônent les ambassadeurs de l’«empire du bien» si bien décrit par Muray, consiste en une générosité humble, qui ne se donne pas en spectacle. Une générosité sans calcul: et c’est bien là la force de Tudoret d’oser affirmer contre les canons actuels de la pensée économique que l’homme est capable de faire le bien sans autre motif que l’amour du bien lui-même.

Le bien, mais est-ce que cela existe encore, autrement que dans les standards médiatiques qui s’en autoproclament les seuls juges? Tout au long de son livre, l’auteur en cherche des traces dans la littérature et la philosophie. Il lui faut pour cela pourfendre la pensée matérialiste - car si l’on juge l’arbre à ses fruits, une doctrine qui a tant de fois fait les preuves de sa stérilité se condamne d’elle-même. «Le matérialisme est cette pathologie à fort pouvoir de contagion qui postule que tout n’est que matière […], évacuant par là même toute forme de transcendance possible, de salutaire élévation», tranche-t-il sobrement.

Dans la littérature encore, reste à trier le bon grain de l’ivraie: celle qu’affectionne Tudoret n’est pas tant la «littérature d’assentiment» qui se soumet à l’ordre du monde que celle au contraire qui s’en échappe avec impertinence, faisant en cela confiance au jugement du lecteur.

Il nous vient, au fil de ces pages belles et simples, comme l’envie soudaine de nous retrousser les manches: la refondation n’attend pas.